Pourquoi le rapport Belpomme est-il attaqué ?
Plusieurs journalistes évoquent l'existence d'un "plan-com" élaboré pour torpiller le rapport Belpomme. Ainsi le journaliste Renaud Lecadre apporte une information selon laquelle la MIIC (Mission Interministérielle et Interrégionale Chlordécone), informée du travail du Pr Belpomme, aurait organisé la critique du rapport bien avant qu'il ne soit rédigé, dans un article de Libération du mercredi 19 septembre 2007 :
"Il s’y était pourtant préparé. En août, après avoir pris connaissance des éléments de son enquête, la trop peu connue Mission interministérielle et interrégionale chlordécone, manifestement plus soucieuse de protéger les décideurs publics que les consommateurs antillais, donnait le ton de la riposte : «Attaquer D. Belpomme sur son manque de rigueur, ses approximations et affirmations sans preuve pouvant aller jusqu’à l’imposture, quand il affirme le contenu p urement scientifique de son rapport, pourrait n’être pas de bonne politique, vu la notoriété du personnage et sa capacité de prendre le public à témoin si on le martyrise. La réponse devra donc être indirecte […]. Elle ne doit pas venir de l’Etat mais des chercheurs et instituts attaqués, au risque d’alimenter la thèse qu’ils sont à la botte.»
Immédiatement après la publication du rapport, des scientifiques contredisent certaines affirmations ou hypothèses du Pr Belpomme. Ainsi, le jour même de la publication du rapport, un membre de l'INVS (Institut Nationale de Veille Sanitaire), déclare : "Aucun lien démontré. La plus grande fréquence du cancer de la prostate aux Antilles par rapport à la métropole peut être expliquée par l'origine ethnique de la population". Le nombre élevé de cancer de la prostate en Martinique aurait donc une cause principalement ... génétique. Théorie pourtant largement remise en question aujourd'hui. Les experts estiment en effet que seuls 15% des cancers seraient liés aux gènes, et 85% à l'influence de l'environnement, des habitudes alimentaires, des stress psychologiques.
Par ailleurs, le Pr Multigner, médecin épidémiologiste à l'Inserm (l'Inserm participe à plusieurs études actuellement en cours aux Antilles sur le chlordécone), répondant à la question du journaliste : Y a t-il un lien entre cancer de la prostate et pesticides?, indique (Le Nouvel Observateur, 27 septembre 2007) : "Pour l'instant, aucune étude ne le montre. En revanche, nous savons que le chlordécone est un cancérigène possible et que cette molécule a une propriété hormonale de type oestrogène. Or la prostate est un organe hormono-dépendant. C'est pour cela qu'avec l'Inserm nous menons en Guadeloupe une étude sur les liens éventuels entre cancers de la prostate et chlordécone aux Antilles "
Voilà donc un spécialiste qui rejoint le professeur Belpomme : certes, aucune étude ne permet d'affirmer le lien entre chlordécone et cancers de la prostate, mais les propriétés connues de la substance et les connaissances actuelles de ce cancer nous imposent de mener des études pour le vérifier.
Reprenons enfin le cas de l'eau du robinet. Comme nous l'avons vu, elle est restée contaminée jusqu'à la mise en place de filtres à charbon actif en 2000 (voir article : Quels sont les effets du chlordécone sur la santé). Pendant donc presque 30 ans, une partie non négligeable de la population martiniquaise a été exposée quotidiennement à des doses faibles de chlordécone. La durée de cette exposition associée à la propriété lipophile de cette subtance peut donc avoir entraîné son accumulation dans l'organisme pour des milliers de personnes. Il serait donc intéressant, au lieu de comparer la carte d'apparition des cancers de la prostate chez l'homme à la carte de contamination des sols, de comparer cette carte des cancers à la carte de distribution de l'eau contaminée en Martinique. Si vous avez des informations à ce sujet, n'hésitez pas à nous les communiquer.